Gisors, Rennes-le-Château, Stenay ou le "Circuit" inachevé

Publié le par Pharamond


Le Triangle d’or.

Histoire d’un circuit inachevé.

L’affaire de Rennes-le-Château ne devait être qu’une étape d’un long circuit (1) traversant toute la France pour se terminer à Bourges, centre du premier triangle dessiné par l’hermétiste Pierre Plantard dans l’annexe I du livre signé Gérard de Sède, Les templiers sont parmi nous ou l’énigme de Gisors en 1962 (2).
Trente ans plus tard, un certain Dagobert déposait au Tribunal un certain nombre de documents dont une lettre annonçant le décès d’un ancien grand maître du Prieuré de Sion, Roger-Patrice Pelat.  Le Juge Jean-Pierre qui instruisait l’affaire Péchiney, un triangle d’initiés, ordonnait une une perquisition chez Pierre Plantard à Colombes. Pierre Plantard finit par reconnaître qu’il ne s’agissait que d’un « jeu ».
Mais tout jeu à une règle. Pour la comprendre, nous allons retracer tout d’abord ce que Pierre Plantard a mis en place de 1962 à 1992 en essayant de tenir tant bien que mal la main de différents écrivains plus ou moins dupes.

Notes

(1) Le Cercle Mérovée dispose d’un certain nombre de documents permettant de reconstituer ce circuit.

(2) De 1962 à 1973, trois livres vont paraître sous la plume de Gérard de Sède. Il s'agit de : Les Templiers sont parmi nous, L'Or de Rennes, et de la La race fabuleuse. Chacun de ses livres correspond à une ville : Gisors, Rennes-le-Château et Stenay soit trois point du second triangle d'un Circuit dessinné sur la carte de France par le Prieuré de Sion.


Gisors

Le premier écrivain à tremper sa plume dans l’encrier du Prieuré de Sion fut Gérard de Sède. Les relations entre Pierre Plantard et Gérard de Sède gardent tout leur mystère. Officiellement, ils se rencontrèrent par l’intermédiaire d’un certain Roger Lhomoy, ancien séminariste et gardien du donjon de Gisors, exorciste et radiesthésiste à ses heures, enfin vagabond guidé par l’étoile Polaire.
Mais un autre homme le connaissait et le tenait entre ses griffes Pierre Plantard. Il l’avouera à Jean-Luc Chaumeil quelques années plus tard :

« Non, Lhomoy n’a jamais rien découvert, je le connais très bien. C’est un clochard et il a eu souvent besoin de moi. D’ailleurs, il a confiance en moi et je l’ai tiré plusieurs fois du pétrin. Je voulais simplement vous dire une chose : il n’a jamais rien découvert. Il a simplement eu connaissance qu’il y avait trente coffres à Gisors, c’est tout. Il n’y a pas que lui qui en ait eu connaissance… De toute manière, il existe quelques preuves comme quoi il y a eu trente coffres. Donc c’est uniquement parce qu’il a su cela qu’il a creusé et il a déclaré, à ce moment-là, pour faire aboutir ses recherches, qu’il les avait découvert. Mais, en fait, il n’a jamais rien trouvé.  En revanche, il n’a jamais rien trouvé. En revanche, il a fouillé… c’est incontestable » (1). 

Après la publication d’un article de Gérard de Sède relatant l’aventure de Roger LhomoyPierre Plantard en aurait profité pour prendre contact avec Gérard de Sède par téléphone ou par lettre (les témoignages divergent). Et là, comme pour Lhomoy, Gérard de Sède suit, sans se poser la moindre question, Pierre Plantard. Il relate sa visite chez celui qu’il surnomme le Sphinx :

« Le sphinx habitait une villa tapie dans les arbres à un quart d’heure de voiture de Paris. Son aspect  était à l’image de ses coups de téléphone : long et aiguisant la curiosité. Son bureu évoquait la cellule d’un bénédictin : peu de meubles et beaucoup de livres. Nous abrégeâmes les politesses d’usage et il entra dans le vif du sujet.
    Une chose m’intrigue beaucoup dans ce reportage me dit-il, c’est le plan que vous avez publié ; puisque personne n’a vu la chapelle, puisque l’existence même de celle-ci vous paraît douteuse, comment donc a t’il été établi ?
    Je le lui dis.
    C’est extrêmement singulier, me dit-il en déroulant un vieux papier qu’il venait de sortir de ses tiroirs, car voici ce que je possède depuis plusieurs années : c’est un plan ; j’ai toujours cherché en vain à quel endroit il pouvait se rapporter ; et pourtant je vous jure que je brûlais de le savoir. Car les documents joints à ce plan assurent qu’il désigne un lieu où furent mis à l’abri, au XIVe siècle, les plus importants secrets de l’Ordre du Temple. Je  ne vous montrerai pas ces documents, car je ne suis pas libre de le faire. Mais regardez ce plan, je pense qu’il vous intéressera.
    Le plan qu’il me mit sous les yeux était une réplique tellement fidèle de celui de la chapelle souterraine qui avait été dressé sur la foi des descriptions de Lhomoy que la première idée qui me vint à l’esprit fut celle d’une mystification assez bien tournée ; en effet, mon hôte pouvait parfaitement avoir copié le plan qui venait d’être publié.
    Mais en y regardant de plus près, je dus vite convenir que cette explication était trop facile. Le reportage venait à peine de paraître, ce qui ne laissait guère de temps à un faussaire pour forger une copie à première vue si parfaite. De plus ce plan était manifestement ancien. Enfin, s’il s’agissait d’un faux, on pouvait se demander pourquoi son auteur s’était écarté sur certains points de l’original. Car un examen attentif révélait de menues différences : selon le plan inspiré par Lhomoy, la chapelle mesurait 30 mètre sur 9, selon celui que j’avais sous les yeux, 31 m 80 sur 10 m. 60. Dans le plan de Lhomoy figurait une coupe en élévation de la chapelle ; dans celui-ci elle faisait défaut. » (2).
   
    Gérard de Sède faisait il preuve de naïveté ou préférait il ne pas être trop regardant car il tenait peut-être un nouveau scoop ? À moins qu'il ne soit un complice. En tout cas, l’hermétiste Pierre Plantard se vantant, en autre, de travailler pour le gouvernement helvétique, venait de faire un coup de maître en faisant passé son plan pour un document templier. En effet, il était signé d’une croix pattée inscrite dans un cercle que remarqua immédiatement Gérard de Sède faisant le lien avec celle qu’il avait aperçu sur la route de la Reine Blanche, de Neaufles à Gisors. Ce vieux plan avait été dessiné par Pierre Plantard et ce dernier avait préparé de longue date son compagnon d’infortune, Roger Lhomoy.

    Pierre Plantard, membre des réseaux gaullistes, avait eu vent de l’aventure de Lhomoy et de la lettre que ce dernier avait fait parvenir à De Gaulle en 1947. Il n’eut guère de difficulté à prendre contact avec Lhomoy et à lui apprendre un scénario qu’il répéta docilement aussi bien à Gérard de Sède qu’aux médias. Sophie de Sède se méfia toujours de Plantard en qui elle ne voyait qu’un vulgaire manipulateur. Et pourtant Gérard de Sède ne l’écouta pas. Doit-on y voir une forme de naïveté ou bien une complicité préparé ? Le texte de Gérard de Sède consacré à Roger Lhomoy n’est pas toujours très clair.
    De 1944  à 1946, Roger Lhomoy aurait fouillé à Gisors sous le donjon espérant découvrir un trésor. En 1947, n’espérant plus convaincre le maire de Gisors, il écrit au général De Gaulle. André Astoux et André Malraux (3) vont se rendre sur les lieux  mais en étant pas convaincu par les dires de Roger Lhomoy. Pourquoi Roger Lhomoy parle t’il de cette affaire treize ans plus tard à Gérard de Sède ? Comment se fait il que ce dernier soit le seul à le prendre au sérieux au point de publier un article puis avec l’aide de Pierre Plantard de se lancer dans un livre ? Ce dernier a déjà travaillé le sujet, il a fait ses propres recherches, il a rencontré Roger Lhomoy bien avant de Sède. Il a parcouru la région, fait sa propre enquête. S’agit il d’un travail personnel ou bien est il en mission ? Si Roger Lhomoy a bien creusé un trou avec l’aide de complices, ce travail ne pouvait pas aboutir à une crypte. Il s’agissait de déclencher une rumeur dans la région et de l’exploiter quelques années plus tard. Une lutte terrible opposait les différentes factions au sein des ordres néo-templiers permettant aux américains de maintenir leur contrôle. C’est seulement en 1964 que des fouilles officielles seront déclenchées par le pouvoir Gaulliste tentant tant bien que mal d’en finir avec l’occupation américaine dans tous les domaines et plus particulièrement maçonnique, néo-templier  et occultiste pour ce qui concerne cette affaire. Mais pourquoi lancer la rumeur d’une crypte secrète enfermant non pas un trésor mais les archives de l’Ordre du Temple ?

Notes

(1) "
Pégase" n° 6, novembre 1973.

(2) pp. 41-42.

(3) Un dossier sur André Malraux est paru sur le site de la société périllos : http://www.societe-perillos.com/malraux.html


Les Templiers sont parmi nous.
L'énigme de Gisors.

En 1962, Gérard de Sède publie aux éditions Julliard un livre qui va être un véritable best seller. Il se compose de trois parties :
    1 "Le vieil homme et la terre". Gérard de Sède nous raconte sa rencontre avec Roger Lhomoy. Ce dernier lui révèle ce qu'il a trouvé quelques années auparavant en creusant une galerie sous le donjon de Gisors : une crypte renfermant trente coffres. Mais incompris par les autorités, il n'a pas réussit à les persuader de la véracité des faits.
    2 "La double vie des Templiers. Cette partie se décompose en deux sous-parties :
        1/ La première nous livre l'histoire de l'Ordre du Temple.
      2/ La seconde est consacrée aux connaissances gnostiques des Templiers, la question de leur survie (Maître Roncelin, Fabré-Palaprat ...) et du lieu où serait caché leurs archives.
        3/ Enfin, la dernière est intitulée le secret de Gisors.
Le livres est suivie de deux annexes :
        1/ "Point de vue d'un Hermétiste". Ce dernier n'est autre que Pierre Plantard.
        2/ "Chronologie".

Nous sommes dans la première phase de plusieurs opérations :
    1/ une opération occultiste visant à créer un "egregore templier" (1). Mais il s'agit ici d'instrumentaliser le peuple et non plus une élite triée sur le volet comme en 1952 à Arginy. Une opération politico-occultiste ?
    2/ il s'agit aussi de révéler l'existence d'une société secrète (non nommée pour l'instant) qui dirigeait l'Ordre du Temple survivant à la destruction de ce dernier. Gisors cachait ses archives depuis plusieurs siècles. Sa découverte et le fait qu'une opération visant à les mettre en lieu sûr (la Suisse ?) permettent de réactiver cette société secrète seule commandement possible permettant une résurgence authentique néo-templière. Or l'un des chapitres du livre de Gérard de Sède s'intitule "Le vaudeville". Il est consacré aux ordres néo-templiers. On peut y découvrir une couverture de la revue "C'est-à-Dire". Un néo-Templiers à cheval tue de sa lance un animal dont la queue représente le marteau et la faucille et le visage, un intello gauchiste. Tout un programme, qui laisse comprendre ce que le trotkiste Gérard de Sède pouvait penser de ces ordres fantoches prétendument chevaleresques mais en fait simple flic du système.

Mais que pouvait bien faire le noble et trotkiste Gérard de Sède dans cette galère dirigée de main de maître par Pierre Plantard, fils de domestique, ex franc-maçon (1) et créateur de toutes sortes d'associations à prétention ésotérique de 1937 à 1956 ?

Note

(1) Ex membre du Grand Orient, il aurait été recruté au sein du Memphis-Misraïm. Ce serait au sein d'une loge martiniste, où aurait siégé  Robert Ambelain, Vincent Planque et Jacques Breyer, que le montage du Prieuré de Sion aurait pris naissance.


Rennes-le-Château


Dans Les Templiers sont parmi nous, Pierre Plantard avait livré un "Circuit". Un triangle chacun des  trois sommets représentaient une ville, Mentravel, Jarnac et Gisors, et ayant pour centre Bourges. Or deux ans après la parution du livre, Sophie de Sède revenait avec des documents concernant une étrange affaire qui s'était déroulé dans un petit village de l'Aude, Rennes-le-Château. Pour éviter d'être pris de court, Pierre Plantard s'était rendu dans la région avec Philippe de Cherisey pour enquêter à son tour et monter un nouveau scénario toujours en lien avec son "Circuit". Il y a ici deux hypothèses que nous pouvons retenir :
    - Sophie de Sède apporta des documents concernant cette affaire. Elle était effectivement documentaliste entre autre pour son mari. Elle apparaît effectivement en tant que telle dans Les Templiers sont parmi nous. Elle va de nouveau apparaître ainsi dans L'Or de Rennes. Dans Les Templiers sont parmi nous, Pierre Plantard apparaît aussi : "Plans : Pierre Plantard". Malgré les prétentions de ce dernier c'est la première et dernière fois qu'il apparaîtra officiellement comme collaborateur dans un livre de Gérard de Sède.
    - Soit Pierre Plantard était au courant de cette affaire et c'est lui qui discrètement va téléguider le couple. L'affaire avait été déjà rédigée par le propriétaire du domaine de Rennes-le-Château, acheté en viager à Marie Denardaud, la servante de l'abbé Saunière. Il s'agissait de Noël Corbu. Au moment de la visite de Sophie de Sède, "l'affaire" avait été médiatisée dans la presse régionale et ce dès 1956. Un historien local, René Descadeillas avait enquêté sur celle-ci et le chercheur Robert Charroux après des fouilles n'ayant donné lieu à aucun résultat probant avait rédigé un long chapitra dans son livre Trésors du Monde s'inspirant d'une source unique : un écrit de Noël Corbu que ce dernier faisait écouter à sa clientèle. Or cet écrit est  à la base du montage puisqu'il va inspirer aussi bien Pierre Plantard que Gérard de Sède. On peut trouver ce texte sur le site suivant :

http://www.rennes-le-chateau-archive.com/index.htm?id=texte_noel_corbu.htm

Nous allons en livrer une analyse avant de poursuivre; Il faut savoir que Noël Corbu envisageait l'écriture d'un livre qui ne vit jamais le jour. Il aurait existé une ébauche de manuscrit qui n'a jamais été retrouvé.

Texte de Noël Corbu :

L'histoire de Rennes-Le-Château se perd dans la nuit des temps.

On peut affirmer sans crainte que ce plateau a toujours été habité. Certains historiens ont écrit et fixé la fondation de Rennes-Le-Château par les Wisigoths aux environs du Ve siècle. Ceci est absolument démenti par la quantité de vestiges beaucoup plus anciens que l'on trouve à fleur de sol, qu'ils soient préhistoriques, paléolithiques ou néolithiques, ibères, gaulois, romain, gallo-romains, Leur abondance et leur diversité prouvent, sans contestation possible que Rennes-Le-Château était, bien avant les Wisigoths, une grande cité.

D'autres historiens pensent que Rennes-Le-Château était la capitale des Soclates, très forte peuplade gauloise qui tint en échec César pendant longtemps. Ce dernier, dans ses commentaires, relatant la chute de leur capitale, parle du pays environnant et sa description correspond exactement au panorama que l'on voit de Rennes-Le-Château : pic de Bugarach au Sud-est, pic de Cardou à l'Est, terre de Becq et plateau des Fanges au Sud, l'Aude et ses méandres à l'Ouest et sa vallée en direction d'Alet et Carcassonne. Rien n'y manque et l'on peut raisonnablement supposer que Rennes-Le-Château, avant d'être une puissante capitale Wisigothe, a été une capitale gauloise, puis une grande cité gallo-romaine, et certainement avant cette époque, un grand habitat préhistorique.

Pourquoi cette importance de Rennes-Le-Château pendant ces temps ?

I- Par sa situation géographique qui domine et commande toutes les vallées : celle de la Sals venant de Rennes-Le-Château et Narbonne, celle de l'Aude vers Carcassonne et vers Sijean, celle aboutissant à Puivert et Chalabre, et celle qui de Rennes-Le-Château permettait d'aller en Espagne avant que la route passant par les gorges de la Pierre-Lys soit percée. La route Rennes-Le-Château / Espagne a été certainement une voie romaine, car on retrouve encore des tronçons parfaitement dallés, et au lieu-dit "La Rode" on a trouvé une roue en bronze et un timon de char romain, actuellement au musée de Toulouse.

2- Par le nombre de sources qui, sur ce piton donnent de l'eau en abondance et qui n'ont jamais été taries.

3- Par son climat très tempéré, beaucoup moins froid et exempt de brouillard et de brume en hiver, beaucoup moins chaud en été que la vallée.

Ces trois points font de Rennes-Le-Château un endroit absolument privilégié, une sorte d'oasis dans la cuvette qu'elle domine.

Dès le Ve siècle, Rennes-Le-Château qui s'appelait RHEDAE, est une grande cité. Capitale Wisigothe du Razès, elle compte plus de 30.000 habitants. La rue des bouchers en comprenait 18000. Son importance est telle que les Évêques chargés par Charlemagne d'évangéliser la Septimanie - les wisigoths ayant embrassé bien avant le catharisme, l'hérésie chrétienne de l'arianisme - ne mentionnent dans le rapport à l'Empereur que deux villes importantes : Rhedae et Narbonne. La citadelle de Rhedae avait une superficie d'au moins trois fois plus grande que le village actuel. On dénombrait 7 lices.

La ville s'étendait au Sud jusqu'à un autre piton où était bâtie une autre forteresse que l'on appelle le Castella. Une autre ceinture de forteresses défendait Rhedae : ce sont les châteaux de Coustaussa, de Blanchefort, d'Arc, du Bézut, de Caderonne et de Couiza.

La décadence de Rennes-Le-Château commence avec les luttes albigeoises. En partie détruite, elle est, sur l'ordre de Saint-Louis rebâtie. Philippe le Hardi poussa l'oeuvre de son père, et l'on peut dire que sous le XIIIe siècle, si la ville n'a plus l'importance qu'elle avait avant, la citadelle, elle, est toujours debout et aussi puissante. Mais une affaire assez confuse de vente du territoire de Rhedae au roi de Castille fait que les espagnols, pour récupérer leur achat, envahissent la Septimanie et détruisent une première fois Rhedae. Rebâtie en partie seulement, elle subit une seconde destruction en 1370. Ce fut la fin. Jamais plus Rhedae ne se releva de ses ruines : petit à petit les habitants descendirent vers les vallées et Rhedae étant devenu Rennes-Le-Château ne fut plus qu'un petit Village au lieu de l'orgueilleuse ville de 30.000 habitants.

Rennes-Le-Château serait certainement tombé dans l'oubli total si un prêtre originaire de Montazels, près de Couiza ne vint prendre la cure le 1er juin 1885. Pendant 7 ans, l'abbé Bérenger Saunière mena la vie de tout pauvre curé de campagne, et dans ses archives, sur son livre de comptes, on peut lire, à la date du 1er février 1892 ; "Je dois à Léontine, 0 frs 40; je dois à Alphonsine 1 frs, 65", et ses économies qu'il nomme ses "fonds secrets" se montent à cette époque à 80 frs 65.

En ce même mois de février 1892, le maître autel de l'église actuelle tombant en ruines, il avait demandé une aide au Conseil municipal qui la lui avait accordée pour le remettre en état. Les ouvriers le démontant trouvèrent dans un des piliers des rouleaux de bois contenant des parchemins. L'abbé immédiatement alerté s'en empara et quelque chose dut retenir son attention, car il fit arrêter immédiatement les travaux. Le lendemain, il partait en voyage pour Paris, dit-on, mais nous n'en avons aucune confirmation,

A son retour, il fit reprendre les travaux, mais là, il ne fit plus faire que le maître autel, mais toute l'église, puis, il s'attaqua au cimetière où il travaillait souvent seul.

Il démolit même la tombe de la comtesse d'Hautpoul Blanchefort et rasa, lui-même, les inscriptions qui étaient sur cette dalle,

Le Conseil municipal s'émut de la chose et lui interdit de travailler au cimetière, mais le mal était fait, car cette tombe devait avoir une indication, Il fait construire les murs autour du jardin, devant l'église, utilise un splendide pilier de style wisigoth de l'autel, qu'il mutile en y faisant graver "Mission 1891" pour supporter ND de Lourdes, dans un autre petit jardin. Il fait entièrement restaurer le presbytère; puis en 1897, commande la construction de la maison, de la Tour, du chemin de ronde, du jardin d'hiver, le tout lui coûte un million en 1900, ce qui représente 250 millions de notre monnaie. Il meuble la maison et la tour fastueusement. Son train de vie est royal. L'abbé Saunière reçoit quiconque vient et tous les jours ce sont des fêtes. La consommation de rhum, qu'il fait venir directement de la Jamaïque et de la Martinique atteint 70 litres par mois. Sans compter les liqueurs de toutes sortes, les vins fins; les canards sont engraissés avec des biscuits à la cuiller pour qu'ils soient plus fins, C'est un véritable sybarite.

Il reçoit une année Monseigneur Billard, qui, d'après les gens du pays, repart.., assez content. Mgr Billard a été étonné de la vie de son prêtre, mais il ne dit rien, Mais son successeur Mgr de Beauséjour, demande immédiatement des comptes à l'abbé Saunière et le convoque pour s'expliquer à Carcassonne, Mais ce dernier ne voulant rien dire, prétexte qu'il est malade, qu'il ne peut faire le voyage de Carcassonne, Et, à l'appui de ses dires, montre des certificats du Dr Rocher, médecin à Couiza, certificats faux, puisque nous avons une lettre du Dr Rocher disant en substance ceci " Mon cher ami, je vous envoie le certificat que vous me demandez et je me ferai un plaisir de vous donner satisfaction". L'abbé Saunière ne peut se rendre à Carcassonne, mais il peut cependant aller à l'étranger : Espagne, Suisse et Belgique. Voyages absolument secrets, et pour donner le change, il laisse à sa bonne et femme de confiance, Marie Dénarnaud des lettres toutes prêtes ainsi conçues : "Chère Madame" ou "Monsieur" ou "Mademoiselle", "J'ai bien reçu votre lettre: Je m'excuse de ne pouvoir répondre plus longuement, mais je suis obligé d'aller au chevet d'un confrère malade, A très bientôt. " signé "Saunière". Marie Dénarnaud ouvrait le courrier et si une lettre nécessitait une réponse, mettait une de ces courtes missives dans une enveloppe et l'envoyait- Pour tout. le monde l'abbé n'avait pas quitté Rennes.

Cependant à l'évêché, les choses empiraient. En 1911, Mgr de Beauséjour, excédé de ne pouvoir obtenir aucune explication de son prêtre, l'inculpe de trafic de messes et l'interdit. Condamnation par contumace. Le trafic de messes ne tient pas debout, car elles coûtaient 0,50 frs, c'est dire la quantité de messes qu'il aurait fallu que l'abbé Saunière reçoive pour couvrir ses dépenses. Mais c'était le seul moyen qu'avait Mgr de Beauséjour "pour coincer" son prêtre.

L'abbé Saunière ne s'incline pas devant la sentence et aussitôt fait appel en cours de Rome. Il prend pour se défendre un avocat ecclésiastique, le chanoine Huguet, qui, aux frais du curé, va à Rome. Le procès dure deux ans et se termine par un non-lieu, le chef d'accusation n'étant pas prouvé. Mais instruit par l'évêque des magnificences et du train de vie de l'abbé, Rome à son tour demande des explications que l'abbé Saunière se refuse à nouveau de donner. Et c'est sous l'inculpation de révolte et outrage envers ses supérieurs qu'il est de nouveau interdit, et cela définitivement, le 11 avril 1915. Cependant, on faisait comprendre à l'abbé Saunière que s'il faisait amende honorable, on pourrait envisager un adoucissement. On verrait.

Mais l'abbé ulcéré, ne veut absolument plus rien entendre, ni de l'évêché, ni de l'Église. Interdit, pour contrer son évêque, il a loué le presbytère pour 99 ans. Dans la petite chapelle, qu'il s'est fait construire, il dit la messe et une grosse partie de la population de Rennes le Château vient l'écouter, tandis que le prêtre régulier, nommé par l'évêque, obligé d'habiter Couiza à quatre kilomètres delà, car personne ne le veut, dit sa messe dans une église pour ainsi dire vide.

Pendant toute la durée de son procès avec l'Église, l'abbé Saunière n'a plus fait de construction. Mais tout étant consommé, il refait des projets : construction de la route de Couiza à Rennes le Château à ses frais, car il a l'intention d'acheter une automobile; adduction d'eau chez tous les habitants, construction d'une chapelle dans le cimetière; construction d'un rempart tout autour de Rennes; construction d'une tour de cinquante mètres de haut de façon à voir qui entre, avec un escalier circulaire à l'intérieur, une bibliothèque suivant l'escalier; haussement d'un étage de la tour actuelle ainsi que du jardin d'hiver. Ces divers devis et travaux se montent à huit millions or, soit plus de deux milliards de nos francs. Et le 5 janvier 1917, il accepte les devis et signe la commande de tous ces travaux.

Mais le 22 janvier, soit 17 jours après, il prend froid sur la terrasse, a une crise cardiaque, qui, compliqué d'une cirrhose du foie, ne lui pardonne pas.

Bref, il meurt dans la journée. Mis dans un fauteuil du salon, il y reste exposé tout un jour, couvert d'une couverture avec des pompons rouges. En vénération, ceux qui venaient, coupaient un pompon et l'emportaient. Il fut enterré dans le tombeau qu'il était en train de se faire construire au cimetière.

La famille Saunière se préoccupa, alors, pour avoir l'héritage; mais, stupeur, l'abbé Saunière avait tout acheté, tout commandé sous le nom de sa bonne, Marie Dénarnaud, et celle-ci était et demeurait sa légitime propriétaire de sorte que les héritiers présomptifs s'en allèrent tout penauds.

Marie Dénarnaud, très coquette à la mort du curé, devint un exemple d'austérité. Elle se retira au presbytère, vivant absolument seule et ne bougea plus. Elle ne descendit plus une seule fois à Couiza. Pendant des années, elle se refuse à vendre son domaine, mais l'âge venant, elle ne pouvait plus ni surveiller, ni faire entretenir, et petit à petit ce fut la destruction et le pillage. Livres rares, timbres, oeuvres d'art, tout fut volé. Quand finalement, en 1947, elle se décida et vendit son bien à Monsieur et Madame Corbu qui transformèrent l'ancienne résidence du curé en hôtel " La Tour".

Quant à l'origine du trésor que le curé a certainement trouvé et dont une grande partie doit encore subsister, les archives de Carcassonne nous en donnent l'explication : Blanche de Castille, mère de Saint Louis, régente du royaume de France pendant les croisades de son fils, jugea Paris peu sûr pour garder le trésor royal, car les barons et petites gens se révoltaient contre le pouvoir royal. Ce fut la fameuse révolte des pastoureaux. Elle fit donc transporter le trésor de Paris à Rennes, qui lui appartenait, puis entreprit de mâter la révolte, elle y réussit et mourut peu après. Saint Louis revint de la croisade, puis repartit de nouveau et mourut à Tunis. Son fils, Philippe le Hardi, devait connaître l'emplacement du trésor, car il s'intéressa beaucoup à Rhedae, et fit faire de nombreux travaux de défense. Aussi retrouve-t-on encore à certaines fondations de tours des éperons qui sont une caractéristique de son époque. Mais après lui, il y a un trou et Philippe le Bel est obligé de faire de la fausse monnaie, car le trésor de France a disparu. Nous devons supposer qu'il ne connaissait pas la cachette.

Le trésor fut trouvé deux fois : en 1645, un berger nommé Ignace Paris, en gardant ses moutons, tombe dans un trou et ramène dans sa cahute un béret plein de pièces d'or. Il raconte qu'il a vu une salle pleine de pièces d'or et devint fou pour défendre les pièces qu'il a apportées. Le châtelain et ses gardes recherchent vainement l'endroit où est tombé le berger, puis ce fut l'abbé Saunière et les parchemins.

Toujours d'après les archives qui donnent une liste du trésor, celui-ci se composait de 18 millions et demi de pièces d'or en nombre, soit en poids environ 180 tonnes, plus de nombreux joyaux et objets religieux. Sa valeur intrinsèque, d'après cette liste, est de Plus de cinquante milliards. Par contre, si l'on prend sa valeur historique, la pièce d'or de cette époque valant 472.000 Francs, on arrive environ à 4.000 milliards.

Ainsi, dans ce modeste village, au panorama et au passé prestigieux, dort un des plus fabuleux trésors qui soit au monde.

Fin du texte de Noël Corbu.

Il faut attendre 1962 date de la publication de Trésors du Monde de Robert Charroux pour que le grand public commence à connaître l'histoire de l'abbé Saunière. Deux ans plus tard (1), Robert Debant, directeur des Archives Départementales de l'Aude, analyse pour une expertise deux parchemins trouvés par l'abbé Saunière lors des travaux de restauration de l'église dans l'ancien maître-autel de celle-ci.

(1) Le texte n'est pas daté. L'historien Pierre Jarnac penche pour cette date sachant qu'à cette période Gérard de Sède se serait vu confié une copie de ceux ci.

Qui est à l'origine du livre L'Or de Rennes ? Sophie de Sède a t'elle mis Gérard de Sède sur la poste du curé aux milliards ? Dans ce cas comment Pierre Plantard et Philippe de Cherisey, pris au dépourvu, aurait il réussit à lui fournir une documentation aussi rapidement et surtout une copie des deux parchemins ?  Gérard de Sède affirmera les avoir reçu par correspondance. À moins que Plantard ai réussit à diriger les de Sède discrètement dans la région, Rennes-le-Château faisant partie du "Circuit" ?

C'est la dernière hypothèque qui nous paraît la plus probable. Cette affaire Saunière était connu tout d'abord de deux milieux devenus antagonistes : l'Église et la Franc-Maçonnerie. Concernant cette dernière, il semble que se soit le Grand Orient qui fut le plus concerné car il fut le plus influent sous la IIIe République. Enfin, le frère de l'abbé Bérenger Saunière, Alfred, ne pouvait qu'intéresser le Grand Orient. En effet, ce dernier était précepteur dans la famille Chefdebien. Or en 1913, la Librairie Nationale, dirigée par l'ancien membre du Grand Orient Paul Copin, connu sous le nom de plume de Copin-Albancelli, publie un livre issu des archives de cette famille Chefdebien et portant sur la question des "arrières loges" et du rôle des "Supérieurs anonymes". Cette publication va donner lieu à de nombreux débats au sein des revues et bulletins anti-maçonniques et maçonniques. On ne peut pas dire que les deux frères se soient montrés trés discrets, Bérenger s'affirma militant légitimiste dès sa prise de fonction et le second finit par ne plus pouvoir exercer la prêtrise. Preuve que l'abbé Saunière en arrivant à Rennes-le-Château n'y était pas envoyé en mission par sa hiérarchie. La discrétion aurait été de rigueur. Ce ne fut le cas pour aucun des deux frères. Ils furent tous les deux l'objet d'un scandale.

Donc l'affaire était connue avant même sa médiatisation :
    - par l'église qui enquêta sur les agissements, pour des raisons différentes, des deux frères Saunière.
    - par le Grand Orient.

Or l'occultiste Pierre Plantard fut un ancien séminariste et un temps membre du Grand Orient.

Il est temps de se pencher sur la biographie de ce dernier :

Pierre Plantard est né à Paris dans le 7e arrondissement en 1920. Deux ans plus tard, son père, valet de chambre, meurt. Pour survivre, la mère de Pierre Plantard sert comme aide-cuisinière dans des grandes familles des beaux quartiers. Pierre Plantard n'est guère assidu aux études. Il a deux préoccupations : l'un pour l'église catholique. Il va devenir un temps séminariste à l'église Saint-Louis d'Antin. Doit on y voir l'influence de son oncle, abbé de l'église Sainte Clotilde à Paris ? Etrangement, un autre intérêt totalement différent le conduit à se pencher sur l'étude des sciences occultes. Selon Octonovo, c'est la médium Geneviève Zaepffel qui serait à l'origine de cette passion qui ne le quittera plus.



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